Les grands gagnants de l’élection des députés à l’assemblée européenne sont surtout et avant tout les abstentionnistes. Ceux qui pavoisent et se réjouissent de leurs résultats sont à mettre, quoiqu’ils en pensent, dans le camp des perdants.
Au PS, on parle de séisme. Il est vrai que parmi tous les perdants, on a un peu plus perdu que les autres.
C’est le prix payé de l’exhibition de nos querelles et divisions, de n’être rassemblés que contre Sarkozy, de n’avoir pas un vrai projet de société.
On entend ici ou là, le PS n’est pas assez à gauche, le PS est trop à gauche. J’attends qu’on m’explique ce que pourrait vouloir dire, être plus ou moins à gauche. Si, comme Mélenchon, être plus à gauche : c’est en rajouter dans la démagogie, ça n’est pas très difficile. Les grands et fragiles équilibres économiques ramènent et ont toujours ramené les socialistes aux réalités du pouvoir, si décevantes pour un électorat qui continuait de croire, mais ne croit plus beaucoup aux lendemains qui chantent.
C’est cette ambivalence qui nous conduit à ne pas être toujours bien compris. Ceux qui veulent changer le monde nous trouvent pas assez à gauche, les privilégiés ou ceux qui pensent l’être, bien installés dans l’ordre social établi et sa fausse légitimité nous trouvent trop radicaux
Nos électeurs désabusés nous disent : gauche, droite, c’est la même chose. Quand on regarde l’histoire récente de notre pays, ils n’ont pas vraiment tort, même si la gauche a plus protégé les catégories laborieuses que les libéraux qui, eux, ne cessent d’agir pour reprendre par petits bouts, la protection et le progrès social et démocratique si chèrement payé.
Puisque les socialistes n’ont pas réussi à le faire, et ont perdu l’espoir de changer le monde, il ne nous reste plus qu’à faire avec ce monde là. C’est cette résignation qui nous pose problème, à nous, et à nos électeurs.
La social-démocratie est à réinventer. Si nous ne le faisons pas, elle disparaîtra. Il nous faut trouver un équilibre entre les effets dévastateurs du libéralisme mondialisé devenu, contre notre gré, incontournable, les aspirations au bien- être matériel et culturel et à la sécurité des défavorisés et les problèmes de l’humanité dans son siècle que sont, environnement et climat, surpopulation et nutrition, épuisement des ressources naturelles, développement et pauvreté, allongement de la durée de la vie, conflits ethniques religieux.
Cela peut être un immense chantier pour le parti socialiste qui devra pour ce faire passer outre ses rivalités idéologiques et personnelles, ses préoccupations tacticiennes électorales et entrer dans la réalité des luttes du monde d’aujourd’hui.
Jean-Pierre Charbonnier